Ainsi
en a décidé la Commission européenne, opposant une fin de non recevoir
définitive à la demande des gouvernements français successifs pour
légitimer le concept de service public et le généraliser au niveau de
l’Union.
Voilà des années que nos dirigeants souhaitaient une
directive-cadre sur les services publics, afin d’étendre le modèle
français aux autres pays. Service public contre service du public,
monopole public contre concurrence, le débat n’était pas mince.
Bruxelles a tranché : ce sera non, pas question de légiférer, encore
moins d’imposer aux autres pays le schéma français.
ils ne savent pas à quoi ils ont échappé!
José Manuel BARROSO a été clair : la priorité doit être donnée aux consommateurs. C’est le marché unique qui prime, « le joyau de notre couronne » comme le dit le président de la Commission européenne. Les droits des consommateurs seront élargis et un texte sur les petites entreprises visera à réduire la bureaucratie et à limiter les obstacles administratifs, en particulier s’agissant des activités transfrontalières. Quant aux services financiers de détail, ils seront européanisés, par exemple pour faciliter le transfert des comptes courants, notamment d’un Etat membre à un autre. Ce sera un nouvel approfondissement du marché intérieur.
Et les services publics ? La demande française d’une loi-cadre européenne était relayée par une partie du parlement européen (les socialistes et les Français en général) et surtout, cela ne surprendra pas, par les syndicats, pour lesquels les services publics constituent la véritable base stratégique. Elle a été rejetée.
Pour BARROSO, « inutile de perdre du temps », les textes actuels suffisent largement, le traité de Lisbonne comportant un protocole sur ces services d’intérêt général (dans le langage bruxellois, on évite le mot « public »), leur fonctionnement et leurs obligations. Pour le président de la Commission, une éventuelle directive « semblait erronée » à la plupart des pays de l’Union et aucun consensus n’aurait pu être trouvé, a fortiori sur la base des positions françaises. Le groupe socialiste a aussitôt parlé de « véritable provocation », car il tenait beaucoup à une directive.
La France devra donc se contenter d’une « comunication » dont le contenu est bien vague, et laisse donc toute souplesse dans l’interprétation : chacun fera ce qu’il voudra. La communication distingue l’énergie, les transports, les communications électroniques, les services postaux, les services sociaux et les services de santé. On s’efforcera d’assurer des règles communes « tout en respectant la diversité », ce qui ne veut rien dire. On admet que les autorités publiques peuvent décider « soit de fournir elles-mêmes ces services, soit d’en confier la fourniture à d’autres entités, publiques ou privées, à but lucratif ou non. ». Ceux qui le veulent peuvent donc continuer à privatiser partout les services publics, au grand dam de la France qui souhaitait évidemment que les autres s’alignent sur notre système modèle.
Comme le rappelle notre confrère Les Echos, qui rapporte ces informations, la jurisprudence de la Cour établit une distinction entre les services d’intérêt économique général comme l’énergie, les transports, les télécom, etc. qui sont désormais soumis aux règles du marché intérieur, c’est-à-dire à la logique de la concurrence, et les autres. Pour les premiers, le monopole public est de toutes façons déjà en voie de disparition complète. Si la privatisation n’est pas achevée partout, elle tend à se généraliser ; c’est la conséquence logique de l’ouverture à la concurrence.
En revanche , les services dits non-économiques, comme la police et la justice, obéissent à des règles particulières, et non aux règles de concurrence du marché intérieur. Quant aux services sociaux, et c’est le cœur du débat, ils s’inscrivent selon les cas dans l’une ou l’autre des catégories.
Quoi qu’en disent les syndicats et les hommes politiques français, la position européenne est donc nuancée et ne participe pas de « l’ultra-libéralisme », contrairement aux accusations. Une vraie position libérale irait plus loin, et généraliserait la concurrence, notamment dans les services sociaux. Mais le refus d’une directive-cadre et surtout de l’alignement sur les positions françaises est déjà une avancée significative : sur ce point au moins, l’Etat français ne contaminera pas ses partenaires, qui pourront continuer à privatiser leurs ex-services publics.
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