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Le 13 juillet, à Paris, la rumeur se répand que les troupes royales vont entrer en force dans la capitale pour mettre les députés aux arrêts. De fait, des corps de troupes sont rassemblés au Champ de Mars et aux portes de Paris. Un comité permanent, la «municipalité insurrectionnelle», est formé pour faire face à la menace. Il se substitue à la vieille municipalité royale.
Au matin du 14 juillet, des artisans et des commerçants se rendent à l'hôtel des Invalides en quête d'armes. Le gouverneur cède aux émeutiers et ouvre les portes. La foule emporte 28.000 fusils et 20 bouches à feu. Mais il lui manque encore de la poudre...
Des émeutiers rugissent alors : «À la Bastille !» où la rumeur prétend que de la poudre y aurait été entreposée. Au demeurant, le peuple a une revanche à prendre sur la vieille forteresse médiévale dont la masse lugubre lui rappelle à tout moment l'arbitraire royal.
La garnison se compose de 82 vétérans, dits invalides, et d'un détachement de 32 soldats suisses. Face à elle, les émeutiers ne font pas le poids. Ils sont un millier seulement, sans commandement et sans armes lourdes.
Le marquis de Launay, gouverneur de la Bastille, veut gagner du temps en attendant des secours. Il reçoit trois délégués et les retient à déjeuner. Il s'engage à ne pas tirer sous réserve que les émeutiers ne tentent pas d'entrer dans la forteresse.
Mais une explosion mystérieuse émeut la foule. On crie à la trahison. Un groupe pénètre dans l'enceinte par le toit du corps de garde et attaque à coups de hache les chaînes du pont-levis.
De Launay, sans expérience militaire, perd ses moyens. Il donne l'ordre de tirer. La troupe suisse fait des ravages chez les assaillants. On compte une centaine de morts.
Tout bascule avec l'arrivée de deux détachements de gardes françaises. Ces soldats professionnels chargés de veiller sur la capitale prennent le parti des émeutiers. Ils vont leur assurer la victoire.
Sous le commandement de deux officiers, Élie et Hulin, ils amènent deux canons et les pointent sur la Bastille. Il s'ensuit un début d'incendie à l'entrée de la forteresse et quelques pertes chez les défenseurs.
Il est 4 heures du soir. De Launay se ressaisit, ordonne soudain le feu à outrance puis tente de faire sauter les magasins de poudre. Mais ses invalides lui imposent de brandir un mouchoir pour parlementer. Le feu cesse. Les ponts-levis sont abaissés et la foule se rue dans la forteresse.
Les soldats suisses, qui ont eu le temps de retourner leurs uniformes, sont pris pour des prisonniers et épargnés. Mais la foule lynche les malheureux invalides.
Le marquis de Launay, qui a tenté de se suicider, est traîné dans les rues de la capitale avant d'être décapité par un boucher. Sa tête est fichée sur une pique et promenée en triomphe à travers le faubourg ainsi que les têtes des autres défenseurs de la Bastille. Ce rituel macabre, inédit dans l'Histoire du pays, illustre le basculement de la Révolution dans la violence.
À la Bastille, on libère les détenus au prix d'une légère déception car il ne s'agit que de sept personnages de minable envergure (escrocs, faussaires, délinquant sexuel,...).
Au demeurant, les émeutiers sont surpris de découvrir des chambres spacieuses et d'un grand confort, à l'opposé des cellules de torture que décrivaient complaisamment dans leurs brochures les intellectuels poudrés qui avaient eu, comme Voltaire ou le marquis de Sade, l'occasion de séjourner à la Bastille.
Le soir même, Palloy, un entrepreneur zélé, réunit 800 ouvriers et entreprend la démolition de la vieille forteresse dont les jours étaient de toute façon comptés.
Le propre frère du roi, le comte d'Artois, futur Charles X, prend la mesure de l'événement. Il quitte la France sitôt qu'il en a connaissance. Il est suivi dans cette première vague d'émigration par quelques autres hauts personnages, dont le prince de Condé et Mme de Polignac.
À Versailles, Louis XVI note dans son journal à la date du 14 juillet : «Rien»... Mais il ne s'agit que du résultat de sa chasse habituelle. Surpris par la violence populaire, le roi se retient de de dissoudre l'Assemblée. Les députés, dans une séance mémorable présidée par l'abbé Grégoire, prennent la résolution de siéger en permanence. La Révolution peut suivre son cours.
Le premier anniversaire de l'événement donnera lieu à une grande réconciliation nationale, la Fête de la Fédération, et beaucoup plus tard, en 1880, la IIIe République, en faisant du 14 juillet la Fête nationale, consacrera la réconciliation de la France de l'Ancien Régime et de celle de la Révolution.
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