L'OCDE a abaissé ses prévisions de croissance 2007 pour la France à 1,8%. Pourquoi restons-nous le plus mauvais élève de l'Europe?
Pour des raisons structurelles. C'est notre modèle économique, consistant à subventionner la consommation par la dette publique, qui est insoutenable. Cela crée à la fois du déficit public mais aussi du déficit commercial: comme le pays manque de compétitivité et de dynamisme, nous consommons de plus en plus de produits importés. C'est le coût du travail qui est au coeur de nos problèmes. Depuis 2000, c'est-à-dire depuis l'instauration des 35 heures, il a augmenté de 30% en France alors qu'il a diminué en Allemagne. Nous consommons et nous importons; l'Allemagne produit et exporte. Du coup, notre économie est incapable de générer plus de 2% de croissance. Nous sommes en situation de récession industrielle et en quasi-état de cessation de paiement au regard de nos finances publiques. A cela s'est ajoutée la crise financière de l'été qui a renchéri le coût de l'argent et déstabilisé le consommateur américain. Et nous allons en ressentir les effets...
Nicolas Sarkozy affirme vouloir "aller chercher" la croissance. Est-ce une incantation ou bien les premières réformes engagées peuvent-elles réellement aboutir?
Sur le principe, Nicolas Sarkozy a raison: sans modification du modèle
économique, nous allons vers une aggravation des déficits commerciaux
et publics, donc une baisse de la croissance et une hausse du chômage.
N'oublions pas d'ailleurs que la baisse actuelle du chômage est due
pour l'essentiel aux emplois "Borloo" subventionnés. Globalement les
choix engagés vont dans le bon sens, et c'est sans doute la dernière
occasion pour notre pays de faire les réformes de fond de manière
pacifique. C'est l'enjeu du quinquennat. Si on le rate, les réformes
finiront par se faire, mais au prix de violences politiques et sociales
graves.
Le gouvernement ne fait donc pas fausse route?
Il s'attaque à des problèmes de fond mais il le fait en contournant les
difficultés. Il n'est pas frontal dans son approche; par exemple le
bouclier fiscal qui permet de normaliser l'exception fiscale française
en Europe sans abolir l'ISF, ou la détaxation des heures
supplémentaires pour sortir des 35 heures. Les réformes sur le crédit
d'impôt-recherche, la baisse du train de vie de l'Etat,
l'assouplissement des 35 heures, la dépénalisation de la vie économique
s'inscrivent dans la logique d'offre indispensable pour relancer notre
économie. Il n'empêche que dans le contexte mondial actuel, devenu
beaucoup plus difficile qu'au printemps dernier, il faut s'attaquer
directement au rétablissement de la compétitivité et à la maîtrise de
la dépense publique.
"La France est l'homme malade de l'Europe, nous avons des handicaps terribles."
Comment le faire alors?
Depuis les années 1990, la dépense publique augmente en moyenne de 1,5%
par an pour l'Etat. Les dépenses de protection sociale ont, elles, crû
de 3,5 %: la seule franchise médicale ne suffira pas. Sans parler des
collectivités territoriales, dont les dépenses progressent de 4,5% en
moyenne ! Mais là c'est très compliqué d'agir car l'opposition dirige
la plupart des régions et leur indépendance est garantie
constitutionnellement. Une des réussites des réformes allemandes est
pourtant bien à chercher dans le changement des compétences et la
responsabilité financière des Länder.
Ces réformes sont-elles menées à un train assez rapide pour le "déclinologue" que vous êtes?
La France a attendu un quart de siècle, maintenant elle doit agir, et
vite. Il est impossible d'éviter une thérapie de choc. L'urgence, c'est
le travail, c'est de s'attaquer aux problèmes structurels au-delà des
difficultés conjoncturelles. Pour l'équipe en place, c'est toute la
question du pilotage du quinquennat: il faudra arbitrer entre
popularité et réforme. La France est l'homme malade de l'Europe, nous
avons des handicaps terribles. Il va falloir aussi s'interroger sur un
secteur public mieux payé que le secteur privé, plus coûteux et moins
productif que chez nos concurrents. Voyez l'Education nationale: les
coûts sont très élevés (7% de la richesse nationale) pour des
performances qui régressent. Nicolas Sarkozy a été élu sur un mandat
clair de réforme et de rupture.
Quel est l'effet "Banque centrale européenne" sur le ralentissement de notre économie?
La stratégie de la BCE n'est pas calquée sur la réalité puisqu'elle
martèle sa vigilance à propos de l'inflation, qui, à 1,7%, reste
inférieure à l'objectif de 2% qu'elle a elle-même fixé. La situation
milite clairement pour une baisse des taux. La surévaluation de l'euro
nous pénalise précisément parce que nous sommes l'économie la plus
faible et la plus dépendante de la zone. Mais nos vrais problèmes ne
viennent pas de Francfort. C'est en France que se trouve la solution à
nos maux.
Le marché européen est peut-être une chance pour notre économie?
C'est un levier. Sans rien abandonner, nous devons privilégier nos
pôles d'excellence, dans le luxe, le tourisme, les services financiers
ou informatiques. Et pour cela il faut accepter la libéralisation des
services en Europe qui nous est favorable. Au plan national, les
priorités vont à la libéralisation du travail, à la recherche et à
l'innovation, à la déréglementation, mais aussi au soutien des PME: il
faut assouplir leurs règles de fonctionnement, leur assurer de
meilleurs financements, leur simplifier la vie. On pourrait aussi
imaginer une baisse de l'impôt sur les sociétés au bénéfice de ces
petites structures. Sauf que là, la marge de manoeuvre est réduite.
Toute baisse supplémentaire des impôts doit désormais être gagée sur
une diminution préalable des dépenses.
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