LE FIGARO. Dans quel état d'esprit êtes-vous
après votre exclusion du PS?
Michel CHARASSE.
Très zen. Pour moi comme pour beaucoup de Français, il
y a un certain temps que le niveau du PS ne dépasse pas celui
des trottoirs municipaux, sujet sur lequel il faut reconnaître
que les socialistes sont très bons!
Qu'entendez-vous par un «certain temps» ?
Le PS s'est étiolé petit à petit jusqu'à
la déchirure brutale de l'échec de Lionel Jospin, en
2002. C'est comme un bassin qui se vide: contrairement à ce
qui se passait sous François Mitterrand, nous ne parlons plus
aux Français pour leur dire la vérité, mais pour
distraire les médias sur des sujets secondaires, des questions
de société qui n'intéressent le plus souvent que
les minorités.
Vous pensez au pacs?
Oui, mais pas seulement.
Que disons-nous par exemple aux Français, depuis des années,
sur l'avenir des retraites? Aujourd'hui comme en 2003, au moment de
la loi Fillon, nous n'avançons aucune proposition courageuse.
Le gouvernement réforme tout seul, et nous ne savons que dire
non. Avec, parfois, des propositions d'une démagogie effrénée:
il se trouve encore des élus PS pour faire croire à des
pauvres gens que nous reviendrons à 37,5 ans de cotisation!
Sur un sujet fondamental qui angoisse tant les Français, les
socialistes se taisent parce que dire la vérité en
face, ce serait se mouiller sur la durée des cotisations, leur
montant, éventuellement le niveau des retraites, sans parler
de l'âge de départ! Vous les voyez, ces frileux, se
lancer là-dedans? Oh, ils ont été courageux sous
Rocard et sous Jospin, pour faire le bilan objectif de la situation
des retraites. Mais ils se sont bien gardés d'annoncer la
moindre mesure! Au fond d'elle-même, la direction du PS est
ravie que la droite se tape le sale boulot. Lionel Jospin avait
décidé de n'aborder le sujet qu'une fois élu, de
peur, sans doute, que dire la vérité lui fasse perdre
les élections. Eh bien, l'absence de vérité a
réglé l'affaire!
Est-ce aussi la raison de l'échec de Ségolène
Royal?
Entre autres. Les Français n'ont jamais su
ce qu'elle ferait sur les retraites! Elle s'est bien gardée
d'y réfléchir, et surtout de faire des propositions. Il
faut dire qu'un sujet de cette importance est difficile à
aborder dans le cadre de réunions participatives Tupperware…
Je suis frappé aussi par le silence du PS sur la situation et
sur l'avenir des finances publiques, sécurité sociale
et budget de l'État. Le traité de Maastricht de 1992
nous impose de réduire nos déficits de 80 à 100
milliards d'euros d'ici à 2012. Il a été négocié
par un président et un gouvernement socialistes, soutenu par
une majorité socialiste et approuvé par référendum
par les Français, appelés par le PS à voter oui!
Le gouvernement actuel s'attaque au problème dans la douleur
et sous les lazzis des socialistes, mais que proposent-ils à
la France pour appliquer «leur» traité et pour que
notre pays reste écouté et respecté en Europe?
Pourtant, le PS parle sans cesse des déficits…
Oui, tous les jours, sans doute pour faire sérieux et
responsable. Mais quant aux solutions, c'est autre chose. Faut-il des
impôts et/ou des cotisations sociales supplémentaires?
Silence! Des économies budgétaires et sur les dépenses
sociales? Motus! Et quand on les pousse dans leurs retranchements,
ils brandissent le paquet fiscal, qu'ils proposent d'abroger, ce
qu'ils ne feront pas, notamment sur les heures supplémentaires
et les droits de succession. En ajoutant aussitôt qu'ils
redistribueront les 15 milliards ainsi récupérés
en pouvoir d'achat. 2012 attendra! En même temps, ils refusent
bec et ongles la moindre participation des patrimoines au financement
de la dépendance. Autrement dit, ils trouvent tout à
fait normal qu'un pauvre type, qui n'aura jamais de maison ni
d'appartement, paie des impôts pour permettre à un
propriétaire de transmettre son bien à ses héritiers
qui, peut-être, ne se sont jamais occupés de lui. C'est
peut-être de la justice socialiste, mais ce n'est pas de la
justice sociale! Et je pourrais citer d'autres exemples: que propose
le PS pour compenser la montée du prix de l'essence, si ce
n'est de laisser le pauvre Sarkozy ramer tout seul?
Le PS va encore vous accuser de sarkozysme…
Même exclu du PS, je reste socialiste. Je le suis depuis 46
ans, donc bien plus longtemps que beaucoup des adhérents
actuels, et pas grâce à une carte à 20 balles! Je
voudrais que ce parti, que j'ai servi toute ma vie parce qu'à
travers lui je voulais servir la France, sorte à son prochain
congrès des propositions sérieuses et courageuses.
Qu'il cesse de se demander s'il est libéral ou pas,
participatif ou pas… Aujourd'hui, quand on prononce le mot
«partage» au PS, combien sortent leur revolver? Notre
sociologie n'est plus celle du pays. François Mitterrand
disait que, pour gouverner la France, il faut aimer les Français.
Le nombrilisme quotidien ne me paraît pas être la forme
d'amour que nos concitoyens attendent des socialistes.
Après votre exclusion, dans quel groupe allez-vous
siéger au Sénat?
J'ai adhéré
mardi au groupe RDSE, où je retrouve mes amis radicaux de
gauche qui, eux, sont de vrais républicains et de vrais
laïcs
Exclu du Parti socialiste, le
sénateur du Puy-de-Dôme vient d'adhérer au groupe
RDSE (Rassemblement démocratique social et européen)
qui compte désormais... 17 membres.
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